Steve Baker
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST



Steve, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Bien sûr, mon nom est Steve Baker et je suis né à Londres en Angleterre. Je vis depuis une trentaine d’années en Allemagne où je suis harmoniciste. C’est en 1975 que j‘ai, réellement, commencé à vivre de l’harmonica et à enseigner la pratique de cet instrument.

Pourquoi as-tu décidé de quitter l’Angleterre ?
C’est, principalement, pour des raisons économiques… je me considère comme un «réfugié économique» !
La famille de mon père avait quitté l’Ecosse par besoin d’argent et n’avait pas d’autre possibilité, pour trouver un travail, que de déménager à Londres.
J’ai à mon tour quitté cette ville, pour la même raison, lorsque je me suis rendu compte qu’il serait plus facile pour moi de vivre de mon art en Europe Continentale.
 
As-t-il été facile, pour toi, d’en faire ton métier à ton arrivée en Allemagne ?
J’ai été très chanceux car je suis arrivé en Allemagne avec le groupe au sein duquel je me produisais dans les rues à Londres. C’était vraiment un très bon groupe acoustique (le jugband Have Mercy, nda) qui sévissait dans les années 1970...
Nous étions invités par des fans de blues de la région de Aaren (Aix-La-Chapelle en français) afin d’y donner 3 concerts. J’avais, initialement, prévu d’y passer 3 semaines mais cela fait maintenant 34 ans que j’y suis !
J’ai rencontré des personnes qui m’ont permis d’y donner de nombreux gigs. Grâce à elles je suis, également, devenu un musicien de studio. Pour cela je ne me suis pas «enfermé» dans le registre du blues puisque j’ai accompagné des artistes, en tant qu’harmoniciste, dans des styles très différents les uns des autres. Depuis une vingtaine d’années, je suis devenu consultant pour la marque Höhner (la plus célèbre marque d’harmonicas dont la maison mère se situe à Trossingen en Allemagne, nda). Je suis un «conseiller» en ce qui concerne le design et l’aspect technique des instruments avec lesquels je joue. C’est un travail très intéressant !

Comment l’envie de jouer de l’harmonica est-elle apparue chez toi ?
Je n’ai pas eu d’éducation musicale particulière. J’ai appris par moi-même…
Je n’ai pas décidé de jouer de l’harmonica, c’est comme si c’était cet instrument qui m’a choisi.
J’avais un copain d’école qui en avait un et je le regardais souvent en jouer, dans sa chambre, alors que j’avais 15 ans. Je me suis dit que c’est ce que je voulais faire, je suis tombé en admiration devant cet objet argenté et brillant qui a exercé une véritable fascination sur moi.
C’est six mois plus tard que j’ai commencé à en jouer en écoutant des disques. Je crois que j’ai eu beaucoup de chance de tomber directement sur l’instrument qui me correspondait le plus. Certaines personnes sont faites pour être charpentier ou mécanicien. A titre personnel je crois que j’étais prédestiné à devenir harmoniciste (rires) !

Justement, quels sont les disques que tu écoutais à cette période ?
J’écoutais beaucoup d’harmonicistes «classiques» du monde du blues…
Lorsque j’ai commencé, j’écoutais le premier album du Paul Butterfield Blues Band. J’aimais, aussi, un formidable harmoniciste anglais qui se nommait Duster Bennett et qui était un bon ami de Peter Green du groupe Fleetwood Mac. J’ai appris chaque note de ses premiers enregistrements durant les 6 premiers mois de mon apprentissage. Puis j’ai commencé à écouter Sonny Terry et les deux Sonny Boy Williamson ainsi que Big Walter Horton.
Puis j’ai arrêté d’écouter du blues afin de me plonger, pendant 5 ans, dans l’univers de la musique west-coast américaine. J’écoutais alors The Grateful Dead, The Steve Miller Band, The Allman Brothers, The Jefferson Airplane et des choses comme cela. Quand j’ai senti que j’avais absorbé toutes ces influences, quelques soient les instruments utilisés, je suis revenu à des groupes où l’harmonica était plus dominant. C’était un véritable retour aux sources, c’est-à-dire vers le blues.
J’ai, alors, commencé à intégrer mes premiers groupes et j’ai découvert la musique de Little Walter qui est devenue ma plus grande influence.
Il faut, cependant, préciser que j’étais aussi très admiratif des guitaristes west-coast comme Jerry Garcia du Grateful Dead et de leurs homologues anglais comme Keith Richards des Rolling Stones. Ce dernier m’a sensibilisé aux riffs du rock’n‘roll. J’écoutais aussi des saxophonistes tels que Junior Walker, Manu Dibango, Maceo Parker etc…

A-t-il été aisé, pour toi, de t’imposer sur la scène allemande ?
Oui, d’autant plus qu’à mon arrivée il n’y avait presque aucun bon musicien de blues là-bas. Il devait y avoir un bon pianiste et deux bons guitaristes, par contre aucun harmoniciste ayant un niveau suffisant. J’ai donc eu la chance de pouvoir m’établir très facilement, d’imposer ma musique ainsi que ma manière d’enseigner l’harmonica et mes livres (Steve est l’auteur de nombreuses méthodes d’apprentissage de cet instrument, nda).
J’avais une place privilégiée sur la scène européenne et, plus particulièrement, la scène allemande. Je m’estime très chanceux !

Comment expliques-tu l’intérêt actuel, d’un si large public, pour l’harmonica ?
Je pense que l’audition de musiciens qui jouent de l’harmonica touche tout le monde.
Les effets que l’on peut donner intéressent les gens. De premier abord cela semble simple et accessible et, pourtant, c’est plus compliqué que cela parait.
De plus, le fait de découvrir tout ce que l’on peut réaliser comme sons à partir de ce si simple objet est impressionnant. Un film comme « The Blues Brother » a aussi beaucoup fait pour sensibiliser un large public à l’harmonica et populariser cet instrument auprès du plus grand nombre.
J’ai débuté, comme musicien de studio, il y a une trentaine d’années. Dans cette fonction j’ai eu l’occasion de pratiquer des styles musicaux très différents les uns des autres. Avec un simple harmonica, j’ai pu m’adapter à tous les souhaits des producteurs de disques. Ce n’est pas un instrument qui n’est fait que pour le blues. Il peut, au contraire, s’adapter à des genres très variés. De ce fait, il est normal qu’il touche un maximum de monde.

Est-ce une chose importante, pour toi, de pouvoir donner des leçons et de sensibiliser des gens à la pratique de l’harmonica jusqu’en France ?
Oui et d’autant plus quand c’est ici en Alsace. Je suis un véritable « fan » de cette région…
Je m’y étais déjà rendu il y a une trentaine d’années…
Quand l’épouse de Robert Koch, l’organisateur du workshop auquel je participe ici, a trouvé comme lieu de cours le Kleebach (http://www.maisondukleebach.org) où nous sommes actuellement j’ai immédiatement reçu des photos de l’endroit. Robert m’avait dit « C’est un lieu idéal ! » et nous avons, ainsi, pu mettre en place la première édition de « l’European Blues and Roots Masterclass » l’an dernier.
Nous avons eu 28 étudiants et cette année nous en sommes déjà à 41 !
C’est une chose très encourageante…
Je pense que cela est lié au fait que les instructeurs sont d’une très grande qualité, c’est la classe mondiale (rires) !
L’endroit est formidable, le prix de la semaine d’hébergement et de cours est très attractif. C’est un concept très accessible, y compris pour des personnes modestes.
En une semaine vous pouvez progresser de manière significative dans l’apprentissage de votre instrument, en vivant dans un cadre naturel    qui est absolument féerique.

Connais-tu beaucoup d’illustres harmonicistes français ?
Je connais Greg Zlap, Jean-Jacques Milteau et quelques autres…
Je les ai rencontrés à plusieurs reprises.

As-tu eu l’occasion de jouer avec eux ?
Oui, bien sûr…
J’ai rencontré Greg (une fois) et Jean-Jacques (deux fois) au Festival International d’Harmonica de Trossingen (Allemagne).
J’aurais aussi aimé y voir Greg l’an passé mais il était en tournée avec Johnny Hallyday. Une proposition qui ne se refuse pas et, en plus, ce devait être beaucoup plus intéressant financièrement (rires) !
Je trouve vraiment que les harmonicistes les plus originaux viennent de France.
Dans le domaine du jazz, par exemple, vous avez des artistes qui sont de véritables phénomènes comme Sébastien Charlier. Ce dernier est vraiment particulièrement brillant !
La scène française a connu un développement impressionnant ces dix dernières années. Cette scène n’est pas particulièrement « roots » mais « bouge » énormément et est à l’origine de nouveautés musicales très intéressantes, spécialement dans le milieu du jazz. Ceci dit on trouve des harmonicistes de grand talent à travers le monde entier!

Peux-tu revenir sur ta discographie ?
Je joue sur de très nombreux disques. J’ai réalisé, à ce jour, 4 CD avec le grand Chris Jones. J’ai aussi enregistré aux côtés d’Abi Wallenstein (5 ou 6 disques dont le plus récent est un album live) qui est, probablement, la plus grande légende du blues allemand. Il est également très réputé en Autriche et en Suisse. J’ai fait deux CD avec le groupe Have Mercy et un avec le guitariste de ce groupe, à savoir Dick Bird.
Sous mon propre nom je dois en être à 14 ou 15 albums, c’est-à-dire beaucoup…

Tu es aussi chanteur et auteur-compositeur. Qu’évoquent tes chansons en général ?
Je ne me considère pas comme un grand auteur. J’évoque des thèmes qui touchent souvent à la mort. Cela est lié au fait que j’ai perdu beaucoup d’amis et de membres de ma famille ces dernières années. C’est un sujet qui est grave et qui touche beaucoup les gens. Sur mon dernier Cd avec Chris Jones (« Gotta look Up », 2005), qui est sorti peu de temps après la mort de ce dernier (le 13 septembre 2005, nda), j’avais écrit le titre « One Word » que je considère comme le meilleur morceau que j’ai signé tout au long de ma carrière. C’est une chanson d’espoir pour les gens en ces temps souvent désespérés. Chris est décédé peu de temps après l’avoir enregistrée, elle est donc doublement émouvante pour moi.

Quels sont tes espoirs pour l’avenir ?
Je souhaite travailler de plus en plus avec le guitariste Dave Goodman et le percussionniste Martin Röttger, je trouve que nous formons une très belle équipe.
Notre travail est très intuitif et très « groovy ». Nous souhaitons réaliser un CD ensemble, c’est d’ailleurs mon prochain projet d’enregistrement.
J’ai aussi un nouveau projet de livre mais il faut que je trouve le temps de l’écrire.
Je tiens à poursuivre ma collaboration au sein du groupe BluesCulture en compagnie d’Abi Wallenstein et Martin Röttger. Enfin je veux continuer à m’investir dans des projets tels que « The European Blues & Roots Masterclass », à la maison du Kleebach,  qui me vaut ta visite aujourd’hui. Je pense que cette manifestation aura de plus en plus de succès et que nous passerons encore de très bons moments avec tous nos élèves.

Souhaites-tu ajouter une conclusion ?
Merci beaucoup, j’espère rencontrer le maximum de tes lecteurs et auditeurs dans les prochains temps… afin de vivre de grands moments sur scène !

Remerciements : Robert Koch

http://www.stevebaker.de
www.myspace.com/harpbaker

 

 

 
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Les liens :

www.stevebaker.de
myspace.com/harpbaker

Interview réalisée
à la Maison du Kleebach
Munster le 5 août 2010

Propos recueillis
par David BAERST

En exclusivité !

 

 

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